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Par Florian Gaité

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Entre autobiographie et autofiction, le travail de Paul Garcin puise dans la pop culture les formes d’un discours critique sur les valeurs qu’elle véhicule. Ses performances, installations et vidéos déconstruisent ainsi la misogynie du milieu, le règne de la compétitivité et le culte de l’argent en adoptant les codes qui en permettent la publicité. Abordant avec humour les questions de genre, de sexualité ou de représentation de soi, ses œuvres jouent avec les stéréotypes pour en dévoiler le caractère factice. Aussi peut- on le voir interpréter les postures iconiques de Beyoncé, archétypes de la femme puissante et séductrice, faire du karaoké en plein désert texan ou à tourner, entre Miami et Menton, le clip d’un duo fictif avec Queen B. Ce dernier est intégré à une conférence performée dans laquelle Paul Garcin passe de l’album Lemonade à la fête du citron, des Chicanos à la Stéphanie de Monaco, nivelant les informations pour déconstruire leurs hiérarchies.

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Il présente plusieurs pièces inspirées de son récent voyage à Los Angeles, épicentre de l’american dream, devenu à ses yeux le lieu de toutes les désillusions. Il y filme un jeune danseur rencontré sur le walk of fame, candidat malheureux au succès, confronté à la réalité de ses désirs. Sa chorégraphie fait écho la performance Dancing on my own de Paul Garcin dont il projette la captation. Il y adopte la même posture (masque et écouteurs sur les oreilles) en dansant sur des tubes comme si personne ne le regardait. La bulle adolescente prend avec Rizon Printz le sens d’un isolement plus dramatique, le public ne voyant plus dans l’art du danseur qu’un refuge intime. Paul Garcin prolonge ce témoignage doux-amer avec une vidéo réalisée in situ, accessible grâce à l’activation d’un QR code, mise en abîme d’une performance annulée. Dans Welcome to L.A., les paroles d’une chanson sont projetées sur le corps de l’artiste pendant qu’il les chante en playback. Cette lyrics-vidéo, conçue sur le modèle des clips de karaoké, revient sur le décalage creusé entre ses fantasmes de jeune homme, traversant l’Atlantique des paillettes dans les yeux, et la violence de la réalité sociale américaine à laquelle il se trouve confronté. Ode au doute et à la déception, ironiquement entonnée sur un air pop, le morceau dilue ainsi son rêve d’une success-story dans un constat incrédule et désenchanté.

 

Florian Gaité

Notice de Catalogue 

13ème Biennale de la Jeune Création

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Florian Gaité
Anaïd Demir
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Texte de Céline Enanga, à propos de DANCING ON MY OWN #2

 

Paul Garcin est un jeune artiste contemporain diplômé de l’École des Beaux arts de Nantes. Explorant la frontière infime entre les univers de la performance, du théâtre et du spectacle, il met en scène sa propre vie en y intégrant de nombreux éléments fictionnels liés à la pop culture. À travers un personnage extravagant aux identités multiples, l’artiste aborde différentes thématiques associées au genre, la sexualité et les cultures populaires, tout en y intégrant une note d’humour.

En 2016, dans le cadre du vernissage de l’exposition All tomorrow parties de Felix Thomas, Paul Garcin réalise pour la première fois la mystérieuse performance Dancing on my own dans laquelle il danse durant deux heures sur une playlist qu’il est le seul à entendre. Un casque audio sur les oreilles et un masque de nuit sur les yeux, le jeune artiste entame une chorégraphie hasardeuse parmi les spectateurs et s’impose des contraintes mettant à l’épreuve ses repères spatiaux. De cette façon, il adopte une position vulnérable et sollicite l’interaction physique entre son corps et celui du visiteur.

Plusieurs paradoxes se manifestent. Les conditions qu’adopte le performeur l’enferment dans un monde interne où il ne communique plus réellement avec ce qui l’entoure. Ce refus de correspondre avec l’autre entre en contradiction avec l’exubérance de ses gestes. L’auditoire devient alors nécessaire : celui-ci contribue à brouiller la frontière entre le personnel et le public. Par sa propre présence, l’artiste transforme instantanément l’espace où il choisit de réaliser cette performance en une scène de show. Ses mouvements excessifs, tout droit sortis d’un clip vidéo, accentuent le côté théâtral de son univers.

Ce travail est un hommage revendiqué à l’artiste cubain Feliz Gonzalez-Torres et à son œuvre Untitled (Gogo dancing Platform) créée en 1991. Cette installation est composée d’une plateforme en bois éclairée par des ampoules lumineuses. Présentée en galerie, elle a été conçue dans l’idée d’accueillir les performances ponctuelles de gogo dancers. Ces derniers sont connectés à un téléphone portable par des écouteurs et se déhanchent sur de la musique électronique. Avec ce travail, l’artiste questionne notre regard sur les objets, les autres et sur ce qui est montré au sein de l’espace de la galerie. Il renferme également des questions très fortes concernant la communauté gay.

Paul Garcin fait le choix d’emprunter ce procédé et de le détourner afin de remettre les problématiques du travail de Gonzalez-Torres au devant de la scène. Par là, il étudie également les différentes manières dont ces questions ont structuré son univers intime. La dimension tragi-comique de sa performance Dancing on my own met en lumière une forme importante de sa démarche : celle de la parodie.

Dans le cadre de la soirée d’ouverture du festival Pride’N’Art en 2018, le jeune artiste prépare une nouvelle playlist et présente la performance pour la seconde fois. Arborant l’inscription « NAP QUEEN » sur son masque de nuit, celui-ci renforce le côté loufoque de son intervention et continue de détourner les éléments qui composent notre quotidien afin d’en exagérer les traits. La critique par la parodie est une composante que l’on retrouve particulièrement dans l’univers artistique LGBTQ, qu’il s’agisse de la musique ou de l’art contemporain.

 

Céline Enanga.

Céline Enanga
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